Fernande Grudet alors ?
sur
http://www.bvoltaire.fr/nicolasgauthier/madame-claude-nest-plus-fin-dune-certaine-douceur-angevine,227452 À 92 printemps, Fernande Grudet s’en est allée. Ce nom ne dira probablement rien aux plus jeunes de nos lecteurs, mais pourtant, quand on pensait à Fernande, comme le chantait jadis Georges Brassens, c’était moins à Grudet qu’à Fernande…
Fernande Grudet n’était certes pas une sainte, car plus connue sous le sobriquet de Madame Claude, telles les pipes éponymes. Petit détail : cette grande dame officia des années durant, celles du gaullo-communisme triomphant et du pompidolisme immobilier, en tant que maquerelle en chef de la Cinquième République. C’est-à-dire que les demoiselles qui travaillaient pour cézigue épongèrent à peu près tout ce que comptait le gratin d’alors : la haute de la politique, du show-biz et de l’industrie.
Le grand registre de ses clients, peut-être parce qu’aux pages collées de foutre blanchi sous le harnais, n’en finit de faire fantasmer. Qui en était ? Qui n’en était pas ? Les rumeurs continuent encore d’animer les dîners mondains. Dans les sûrs : le chah d’Iran, John Fitzgerald Kennedy et Giovanni Agnelli. Dans les moins sûrs, voire même les incertains, la quasi-totalité du gotha mondain, national comme international – entre autres qualités, la dame savait exporter le savoir-faire à la française.
Avant le ministère du Redressement national d’Arnaud Montebourg et son Made in France, on n’avait donc pas notre pareil pour déjà bricoler gaulois et trombiner tricolore. À sa manière, Fernande Grudet fut une patriote d’avant-garde. Mieux : une bienfaitrice en matière d’œuvres sociales. Ainsi, combien de gourgandines, par autre qu’elle maquées, auraient arpenté le bitume à la chasse aux asperges pour finir en maison de retraite ? En effet, ses protégées, pour la plupart, ont conclu de beaux mariages bourgeois, chrétiens et chabroliens, ayant harponné le bon client, plein aux as, quoique légèrement vieillissant. Mieux qu’un bobinard de luxe, une agence matrimoniale…
Là, rumeurs toujours. Car si Fernande Grudet a bel et bien rédigé ses mémoires (Madam, Michel Lafon, 1994), la vieille carne s’est toujours obstinée à ne point donner de noms. Pourtant, dans les dîners mondains plus haut évoqués, on parle d’actrices en vue et de femmes de ministres renommés…
Fernande Grudet a vu le jour en Anjou, chère douceur angevine. A grandi chez les bonnes sœurs, comme il se doit, à une époque où on ne disait pas : « Elle est bonne, ta sœur ? » Elle s’est lancée dans le tapin haut de gamme à une époque où le pain de fesse était encore toléré, heureuse époque que n’aurait sûrement pas reniée Saint Louis, monarque auquel on doit l’organisation administrative des bordels abritant ces filles de joie portant si bien leur nom.
Comme toujours, notre chère Fernande Grudet est tombée pour raisons fiscales. A fait quelques mois de zonzon et perdu tous ses sous et autres amis influents. La seule à ne l’avoir jamais lâchée ? Françoise Sagan qui, en matière de consommation d’autres produits plus ou moins illicites, ne s’en ait jamais laissé remontrer par personne.
Aujourd’hui, l’affaire est close. Comme les maisons du même nom. Bien à vous, Madame Claude.